8 Juin 2011
Place des rencontres, La Passerelle, le Mercredi 8 juin 2011
Deux ans séparent ta dernière lettre d'aujourd'hui. J'ai rattrapé le temps oubliant le présent et tes mots me caressent encore avec la même intensité.
Ta bouche parcourt ma peau, tu es juste derrière moi lorsque je lis, ton sourire amusé quand je souligne des passages, ta main qui tient la mienne comme demain lorsque je rentrerai en scène.
Tu es là, partout. Parce que tu es rentré en moi une fois pour toutes.
s
Jean Tardieu
RENCONTRE
( Gentil. S’amuse d’un rien. Modeste, mais espère
monter en grade.)
Je vois un homme qui vient
son chapeau sur la tête.
Quel est donc ce paroissien ?
Qui ça peut-il être ?
Par ma foi, c’est moi, peut-être ?
Oui, c’est moi je le crois bien :
j’avance dans aujourd’hui
mais l’autre sur le chemin
comme un reflet vers moi vient
de demain et d’après-demain.
Demain demain je SERAI
car je ne suis pas encore
Dieu que de choses j’ignore !
Je ne sais rien, rien de rien.
Je ne sais pas pourquoi les mouches
ont six pattes et non pas trois
pourquoi l’hiver il fait froid
pourquoi les dents sont dans la bouche
pourquoi le soleil paraît
pourquoi on meurt pourquoi on naît
pourquoi les chats pourquoi les rats
et cætera et cætera.
Non non je ne sais pas encore
Lorsque je saurai je serai
je ne sais pas pourquoi moi
pourquoi moi plutôt que toi
pourquoi aujourd’hui et demain
et finalement quel est
cet homme qui vient vers moi
sur ce drôle de chemin.
CONVERSATION
(Sur le pas de la porte, avec bonhomie.)
Comment ça va sur la Terre ?
- Ça va, ça va, ça va bien.
Les petits chiens sont-ils prospères ?
- Mon Dieu, oui, merci bien.
Et les nuages ?
- Ça flotte.
Et les volcans ?
- Ça mijote.
Et les fleuves ?
- Ça s’écoule.
Et le temps ?
- Ça se déroule.
Et votre âme ?
- Elle est malade
le printemps était trop vert
elle a mangé trop de salade.